Appello – «Res publica europea».. e realtà delle sue lingue!
“L’EUROPE SERA MULTILINGUE OU NE SERA PAS”
Les institutions de l’Union européenne, en donnant la préférence à l’anglais pour en faire pratiquement la langue unique de l’Europe, violent les traités européens.
Le choix de l’anglais comme langue dominatrice procure des avantages massifs, d’ordre économique et politique, aux citoyens de l’UE dont il est la langue maternelle.
Les citoyens de l’UE qui ont d’autres langues maternelles que l’anglais deviennent des étrangers dans l’Union et prennent de moins en moins part à la démocratie de l’Union.
Les langues européennes autres que la langue dominatrice perdent de plus en plus de leur importance culturelle ; l’identité culturelle des pays où elles sont pratiquées est dangereusement lésée. L’Union européenne perdra son droit à l’existence si elle n’arrête pas l’évolution actuelle vers 1’unilinguisme, et si elle ne revient pas à la pluralité linguistique.
C’est pourquoi, nous appelons les citoyens européens à mettre en œuvre toute leur influence politique afin de lutter contre la régression de l’Europe vers l’unilinguisme.
L’Union européenne est née en tant qu’association libre de pays européens dans une entité supranationale, assurant le pluralisme et l’égalité des droits de tous les peuples participants.
Pour la première fois dans l’Histoire, les pays européens ont décidé d’unir leurs destinées dans un projet d’intégration mettant fin à toute division, à tout conflit, à toute velléité de domination.
Un projet européen de cette taille ne saurait se concevoir sans le respect absolu de l’identité des pays qu’il rassemble, de leur culture et du multilinguisme qui en est l’expression tangible et l’essence même, la condition nécessaire à sa réussite.
L’article 217 du traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, stipule : «Le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préjudice des dispositions prévues par le statut de la Cour de justice, par le Conseil statuant à l’unanimité. » Cet article n’a jamais été changé, malgré toutes les modifications que le traité a subies par la suite. N’a pas changé non plus le règlement d’application (1) où on lit : « Les langues officielles et les langues de travail sont la langue française, la langue italienne, la langue néerlandaise et la langue allemande. » À ces quatre premières se sont ajoutées, au fur et à mesure des adhésions, les langues des nouveaux pays membres. Ce fait souligne l’importance accordée à la langue de chaque pays dans le contexte de l’intégration des peuples européens.
Dans la réalité, cependant, ces dispositions ne sont pas appliquées, ce qui rend difficile la participation effective du citoyen européen, qui finit par regarder les institutions européennes comme des entités lointaines et artificielles. L’absence, dans la pratique, d’un véritable multilinguisme, accroît de façon exponentielle la distance entre les citoyens et les institutions et leur gestion de la « res publica europea ».
En cachette et tout en continuant à affirmer le contraire(2), des institutions européennes, et notamment la Commission, ont mis en œuvre des mesures et des pratiques de plus en plus ramifiées affectant le multilinguisme et favorisant une seule langue. Les raisons invoquées pour cette mise à l’écart « pragmatique » des autres langues sont toutes d’ordre financier, et cela bien que la Commission européenne ait affirmé dans nombre de documents officiels que de tels motifs n’entrent pas en ligne de compte pour le règlement de difficultés d’ordre politique. Et les langues sont justement un obstacle politique, peut‑être même l’un des plus notables.
Parallèlement, les programmes d’enseignement des différents États membres sont de plus en plus axés, et pas seulement dans le domaine linguistique, sur la langue anglaise, à tel point que pour un élève ou un étudiant il devient difficile, voire impossible, de choisir les langues qui se présentaient traditionnellement comme faisant partie de la culture européenne, comme le français, l’allemand, l’italien, l’espagnol. Et tout cela en contradiction ouverte avec les conclusions du Sommet de Barcelone où, pour favoriser une intégration harmonieuse entre les peuples, on a invité les États membres à faire apprendre aux jeunes au moins deux langues étrangères.
La langue est un instrument de pouvoir, peut‑être le moins évident, mais sûrement le plus efficace. On est donc confronté à une tentative de colonisation de l’Europe à laquelle collaborent, de bonne ou de mauvaise foi, les responsables des politiques communautaires, et pas seulement dans le secteur linguistique. Conséquence immédiate de cette stratégie de domination et de son acceptation irresponsable de la part des autorités des autres pays, peu à peu les citoyens de langue maternelle anglaise vont occuper non seulement tous les postes clés mais tout simplement et prioritairement tous les postes en laissant aux autres ce qui reste. Cette évolution est déjà en cours dans les institutions de l’Union et dans beaucoup d’entreprises européennes.
La classe politique européenne ne saurait s’acquitter de ses responsabilités dans le domaine linguistique par de simples contributions en faveur de langues locales et/ou minoritaires. Aujourd’hui sont menacées et doivent être développées des langues telles que le français, l’espagnol, l’italien, l’allemand et toutes les autres langues officielles, qui constituent le fleuron de la culture et du patrimoine européens et servent de support à bien d’autres langues à travers le monde.
Dans cette lutte, personne ne se sauvera seul. Ceux qui se plient à la domination de l’anglais et espèrent la tempérer par la survie d’une ou de deux autres langues sont des perdants, dès le départ. D’abord, parce qu’il faut assurer la participation effective du citoyen à la « res publica europea » et, ensuite, parce que ce qui est aujourd’hui remis en question c’est une façon de vivre, une forme de pensée, une vision du monde qui ne peuvent se résumer ni en une ni en deux ni en trois langues seulement.
Il est nécessaire et urgent de mettre en œuvre un système européen souple et flexible, qui assure le lien entre l’Europe et ses citoyens et les conduise à participer activement à sa construction, dans une optique de culture et de démocratie.
La colonisation actuellement en cours sape les valeurs d’égalité et d’égale dignité qui sont garanties aux citoyens européens par les textes, mais systématiquement remises en question par la Commission et d’autres institutions.
Nous sommes convaincus que, sans une égalité effective entre les citoyens européens, toute obligation morale d’appuyer et de renforcer l’Union tombera, pour laisser la place à l’obligation opposée de la détruire afin de sauvegarder sa propre identité, ce qui serait une vraie tragédie.
Ou bien l’Europe respectera et gardera la diversité de ses cultures et de ses langues, cette diversité qui en constitue l’identité et la spécificité, ou bien elle périra dans une série de conflits, dont on perçoit déjà les premiers signes.
(1) Règlement n.1 établissant le régime linguistique de la Communauté économique européenne, article 1er ‑ Journal officiel n.B 017 du 06/10/1958, p 385.
(2) Déclaration inscrite au procès‑verbal du Conseil, 25 juin 2002 : « Rappelant les conclusions du Conseil européen de Barcelone en ce qui concerne l’enseignement des langues étrangères, le Conseil et la Commission encouragent l’ensemble des institutions à promouvoir la diversité culturelle et les connaissances linguistiques à tous les stades de la carrière des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes. »
Nous lançons donc un appel à tous les Européens épris de liberté et soucieux de préserver leur identité et les valeurs portées par leur langue pour qu’ils exigent du Parlement européen, du Conseil de l’Union, de la Commission européenne :
1. La primauté, pour la question linguistique en Europe, de sa dimension politique, sur tout autre aspect technique ou financier.
2. Le respect de la diversité linguistique et culturelle de l’Europe, sans laquelle celle-ci perdrait elle-même son identité.
3. Un régime linguistique des institutions européennes explicite, choisi selon des règles démocratiques et transparentes, soumis à un véritable débat public.
4. L’adoption d’une politique linguistique fondée sur le principe d’égalité des citoyens et, par conséquent, d’égalité de leurs langues et cultures respectives.
Comité de coordination pour la démocratie linguistique en Europe